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JO / PRÉSIDENT DE LA FFJDA / JEAN-LUC ROUGÉ : « LIMITER L’INTERPRÉTATION »

JO / PRÉSIDENT DE LA FFJDA / JEAN-LUC ROUGÉ : « LIMITER L’INTERPRÉTATION »

Il a vécu les Jeux Olympiques de l’intérieur. Il les a regardés avec ses multiples casquettes, de Judoka, de passionné, de champion du monde, de président de la Fédération française (FFJDA), de secrétaire général de la Fédération internationale (FIJ). Il s’est régalé à suivre les petites catégories, beaucoup moins à regarder les lourds. Il en a tiré des conclusions. Jean-Luc Rougé dévoile ses idées : la relève française, la trop grande subjectivité du règlement, l’olympiade à venir de Teddy Riner…

Par Ludovic Mauchien

 

La sanction pour non-combativité, l’attribution du Yuko, la multiplicité des pénalités, le rôle de la table centrale, l’inefficacité des « nouvelles » règles pour les catégories lourdes… Si Jean-Luc Rougé a globalement apprécié le tournoi de Judo, certains points l’ont néanmoins titillé. Comme il le déclare ci-dessous, « dans le haut niveau, si l’on reste stable, on régresse ».

Il est donc à supposer que le Judo va de nouveau connaître des changements à l’issue de ces JO de Rio. Le président de la Fédération française et secrétaire général de la FIJ revient sur ces Jeux et les médailles françaises (or pour Riner et Andéol, argent pour Agbegnenou et Tcheuméo, bronze pour Maret)

Il aborde également les axes de réflexion à mener, que ce soit pour l’équipe de France ou pour le Judo en général.

 

Quel est votre regard sur les JO de Rio ? Avez-vous pris plaisir à y assister ?

Les Jeux Olympiques de Rio avaient l’esprit des Cariocas. C’est-à-dire qu’ils étaient bon enfant, festifs, avec une organisation sympathique, loin de la rigueur anglaise vue en 2012.

D’une manière générale, les sports de combat français ont eu d’excellents résultats. La confédération des arts martiaux et des sports de combat totalise pratiquement 50% du total de médailles françaises avec l’escrime, le tir, le tir à l’arc et, bien sûr, le Judo, le Taekwondo et la Boxe (ces 6 fédérations ont remporté 18 médailles dont 5 en or ; la boxe est le sport qui a remporté le plus grand nombre de médailles de la délégation tricolore, à égalité avec l’athlétisme (6) ; le Judo se classe 3e avec 5 médailles).

On est très pourvoyeur de médailles et c’est à l’image de ce que l’on connaît en France. Dans la confédération, nous sommes 1,4 million de licenciés. Cela représente une très grande partie de la pratique sportive française.

 

« Il y a malheureusement trop de pénalités »

 

Concernant plus spécifiquement le Judo, qu’avez-vous retenu ? Des combattants vous ont-ils enthousiasmé ? 

Je me suis régalé à regarder un excellent Judo jusqu’aux catégories de poids moyennes. Autant les nouvelles règles n’ont pas été très efficaces dans les catégories lourdes, puisqu’on n’y a pas forcément vu un excellent Judo, autant j’ai trouvé qu’il y avait une qualité de Judo que l’on n’avait pas vu depuis très, très longtemps dans les petites catégories, en particulier dans les -60 kg. Il y a eu énormément d’attitudes correctes, de belles techniques. Par le passé, c’était assez déplaisant de voir les combats des toutes petites catégories, où ils étaient très souvent accroupis, en train d’essayer d’arracher les jambes en permanence.

Ce que nous avons mis en place avec les nouvelles règles est donc très, très bon pour les petites catégories. Mais il faudra que l’on trouve d’autres solutions pour les poids lourds. Et je suis quelqu’un qui essaie de faire vivre les choses.

 

Qu’est-ce qui pourrait être mis en place pour améliorer le Judo dans ces catégories lourdes ?

Nous avons une réunion à Abu Dhabi en octobre. Nous sommes une dizaine à se réunir pour essayer d’améliorer les choses. Je pense qu’il y a malheureusement trop de pénalités. Certaines ne sont pas de vraies pénalités ou... Pour moi, ce n’est pas très bien.

Ensuite, ce qui pourrait être amélioré, ce sont les « zones de gris » dans l’arbitrage. Je m’explique... Plus de 200 pays pratiquent le Judo. Les arbitres ont donc des cultures différentes, parfois très différente de celle de l’origine, qui est japonaise. Il faudrait que l’on puisse arbitrer exactement de la même manière et qu’il y ait plus de consistance ou de régularité dans l’arbitrage. Pour cela, il faut éliminer les « zones de gris », les zones où il y a de l’interprétation.

Je vais essayer de proposer des règles qui puissent élimer l’interprétation. Il faut que ce soit noir ou blanc, mais pas : « peut-être ci, peut-être ça ».

 

« Entre Yuko ou Waza-ari ou rien du tout… »

 

A quelles actions pensez-vous particulièrement ?

Il y a par exemple des zones de gris à enlever sur la non-combativité. Quand est-ce qu’on la donne, ou pas ? Parfois, on la donne, parfois non. C’est assez inégal.

Il y a également quelque chose qui pose problème : le Yuko. Entre Yuko ou Waza-ari et Yuko ou rien du tout, il y a parfois des zones qui sont interprétables et qui peuvent amener à contestation. Il faudrait qu’on limite cette interprétation le plus possible.

Ensuite, il faudrait peut-être aussi donner moins d’importance à la table centrale. Aujourd’hui, en fait, l’arbitrage est à la prépondérance de la table centrale par rapport à l’arbitre de tapis.

 

Globalement, vous êtes satisfaits de ces nouvelles règles, même si certaines améliorations doivent être apportées ? 

Oui. Par contre, il faut toujours… Quand vous êtes compétiteur ou entraîneur, de toute manière, si vous voulez être performant, il faut être à la limite du règlement. Et c’est pareil dans tous les sports. C’est ce que je cherche les entraîneurs et ils ont raison.

Personnellement, en tant que président de la Fédération française et encore plus comme vice-président de la FIJ, je n’ai pas pour objectif de faire des résultats. J’ai l’objectif de faire un beau Judo et de faire en sorte que le Judo se développe. Alors qu’un entraîneur national ou un athlète, il veut gagner. C’est pour cela qu’ils ne font pas très attention au devenir du Judo. Ce n’est pas leur problème. C’est pour cette raison que, quelque fois, nous sommes en contradiction. Mais je les comprends, c’est normal. C’est ce qu’on leur demande. Par conséquent, il faut régulièrement changer les règles.

Après le temps d’adaptation, le temps nécessaire pour arriver à la limite de quelque chose qui peut être bien, cela dérive. C’est pour cette raison qu’il faut bouger les règles, afin de rester dans le même état d’esprit, de manière à pouvoir corriger tout ce qui peut arriver à l’extrême par rapport à la réglementation.

 

« Nous sommes 2e nation. C’est très bien »

 

Quel regard portez-vous sur le bilan de l’équipe de France ? Est-ce plutôt la bouteille à moitié vide ou à moitié pleine ?

C’est très bien ! On avait dit que notre objectif était de 5 médailles. On fait 5 médailles, même si ce n’est pas forcément avec les athlètes que l’on attendait (il sourit). Emilie (Andéol) a été la bonne surprise, Gévrise (Emane) la mauvaise.

On ne fait jamais 100% du potentiel. Aucune fédération ne le fait. J’ai demandé à la natation comment faire une estimation ? Ils m’ont répondu : « on regarde le potentiel et on divise par deux ».

C’est toujours ça aux Jeux Olympiques. Il y a la Corée du Nord qu’on ne voit jamais et qui fait des résultats, des petits pays qui sont transcendés, des combattants que l’on voit rarement qui prennent des médailles…

Mon regard, c’est, qu’aujourd’hui, il y a une distribution de médailles beaucoup plus grandes. Ce que je dis au ministère depuis très longtemps est qu’il ne faut plus parler en nombre de médailles mais en classement du pays. On l’a vu chez nous, en Judo. Il a fallu attendre le 4e jour pour qu’il y ait un pays avec deux médailles d’or (la Russie avec Mudranov en -60 kg et Kalmurzaev en -81 kg). Même le Japon a du mal à s’en sortir…

Au classement final, nous sommes 2e nation. C’est très bien, même si on aurait évidemment préféré être 1er (il rit). Et ce n’en était pas loin. C’est simplement une question de couleur de médaille (le Japon a remporté 3 médailles d’or, 1 en argent et 8 en bronze ; la France en compte 2 en or, 2 en argent et 1 en bronze).

 

Avez-vous apprécié l’attitude des Français dans leur globalité ?

Ils se sont battus. On a des jeunes qui se sont bien battus. Par exemple Khyar, qui a 20 ans. Il aurait pu gagner plus de combats. Il a un vrai potentiel. On savait que l’on serait moins fort dans les petites catégories. Après, tout le monde disait que cela ne marchait pas ! C’est aussi une question de calendrier. Si l’on avait commencé par les poids lourds, cette morosité n’aurait pas existé (il rit). On sait qu’on a Teddy. C’était pareil aux Championnats du monde, aux JO de Londres… on a eu du mal à démarrer. C’est souvent comme ça. On espère, bien sûr, avoir des 60 kg ou des 48 kg forts dans le futur. On les cherche. Et j’espère qu’on les aura.

 

« Ne pas trop user Teddy mentalement »

 

Quelles seraient vos idées pour passer de 2e à 1ère nation, a fortiori à Tokyo ? Que faudrait-il mettre en place ?

De toute façon, dans le haut niveau, si l’on reste stable, on régresse. Il faut toujours se remettre en cause. On est toujours à fond. On fait tout ce que l’on peut pour être le meilleur possible.

Dans notre sport, on ne connaît pas le temps ou la hauteur que le concurrent vient de réaliser. On doit donc toujours être au maximum dans tous les domaines. Aujourd’hui, on travaille sur une relève importante dans les petites catégories, dans les DOM TOM comme en métropole. On va essayer d’en faire passer aucun au travers des mailles, que cela donne un maximum de chance à un maximum de jeunes pour que l’on puisse entretenir une concurrence.

On va aussi peut-être mettre en place une relève pour les poids lourds. L’idée serait d’organiser un système de préparation et de détection en Nouvelle-Calédonie, étant donné qu’il y a beaucoup de gros gabarits dans toutes les îles de l’Océanie.

 

Parlant des poids lourds, comment voyez-vous l’avenir de Teddy Riner, sachant que 4 ans, c’est long… ? 

Oui, c’est long. Heureusement, c’est au Japon, et ça, cela motive un Judoka (il rit). Etre champion est une question de motivation. Quand on gagne tout comme Teddy, à un moment, on a moins envie de s’entraîner. Et si on s’entraîne moins, on a moins de chances de gagner. Et l’on finit par gagner moins.

Les prochains Jeux Olympiques seront à Tokyo, au Budokan, le temple du Judo. La motivation du Japon est une chance pour nous. Mais il faut que l’on essaie de ne pas trop user Teddy psychologiquement et mentalement. Un athlète arrête généralement parce qu’il en a assez mentalement, pas physiquement. Ce ne sera pas possible qu’il soit à fond pendant 4 ans.

 

 

JEAN-LUC ROUGÉ

Né le 30 mai 1949 à Clichy (92)

9e Dan

1975 : 1er champion du monde français (-93 kg)

1979 : Médaillé d’argent (+95 kg) et de bronze (toutes catégories) aux Championnats du monde.

1972-1980 : Conseiller technique départemental de l’Essonne.

1980-1981 : Entraîneur National.

1981-1986 : Directeur Technique National Adjoint.

1986-1997 : Directeur Technique National.

1994-2004 : Directeur de la FFJDA.

1998-2002 : Directeur Sportif de l’Union Européenne de Judo.

2005-… : Président de la Fédération Française de Judo.

 

En 2016, il est aussi :

-Secrétaire général de la Fédération internationale de Judo (FIJ).

-Vice-président délégué du CNOSF, en charge du haut niveau.

-Président du Collège des Ceintures Noires.

-1er vice-président de l’Union Européenne de Judo.

-Vice-président du Conseil Social du Mouvement Sportif.

-Secrétaire général de la Confédération Française des Arts Martiaux.

 

Crédit Photo : KMSP/FFJudo

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